La Verdière, village perché situé à l’intérieur des terres varoises, fait partie de ces petites localités qui groupent leurs jolies maisons de pierre autour d’une demeure ancienne qui jadis avait pour objet de protéger les habitants des raids barbares. Mais celle de La Verdière a une particularité, et pas la moindre : demeure privée certes, elle est aussi, et surtout, avec 5 000 m2 habitables et 120 pièces, le plus grand château de Provence.
L’histoire du château
Son origine remonte à plus de mille ans, à l’année 980 pour être précis, quand l’illustre famille de Castellane édifia une forteresse sur la route menant d’Arles à son fief. Elle dominait ainsi (c’est toujours le cas) toute la région, du Mont Ventoux et du Lubéron jusqu’aux montagnes de la Sainte-Baume.
Passée de cette famille aux comtes de Vintimille, revenue aux premiers, elle tomba ensuite dans l’escarcelle des comtes de Forbin, à qui l’on doit le rattachement, au XVe siècle, de la Provence à la France (« Tu m’as fait comte, je te fais roi » est d’ailleurs la devise de la maison). Ce sont essentiellement elles, ces trois familles, qui ont façonné, puis converti la forteresse militaire en château de plaisance, les dernières transformations datant du XVIIIe siècle, sous Louis-Roch de Forbin d’Oppède ; c’est ce dernier qui va lui donner sa configuration actuelle et en faire l’une des plus élégantes demeures de Provence. On vante un peu partout ses gypseries, parmi les plus belles de la région. Il s’agit de décorations d’intérieur moulées et sculptées en gypse cuit et broyé, qui devient alors la poudre de plâtre que l’on mélange à l’eau (« gâchage ») et qui durcit à l’air (« prise ») – un terme et une technique utilisés presque uniquement en Provence.
Mais le souvenir d’autres membres de la dynastie Forbin est resté très présent ici, notamment Claude, l’un de ses plus éminents représentants. Sa sculpture et bien en place au château. Corsaire de Louis XIV, c’était un redoutable marin. De superbes maquettes – qui rappelleront aux tintinophiles celles du vaisseau La Licorne, commandé par l’ancêtre du capitaine Haddock – évoquent ce passé aventureux et prestigieux.
Au moment de la Révolution, les collections que renfermait le château – raison pour laquelle Louis-Roch s’y était retiré en 1756, le bâtiment étant de taille à toutes les accueillir – furent pillées, ce qui fit mourir de chagrin le brave comte qui était alors en chemin vers Paris. Laissé à l’abandon ensuite, réhabilité sous la Restauration, occupé par l’armée en 1848, l’ancien palais d’été des comtes de Forbin sombra dans la désolation, malgré son inscription à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques dès la fin de la Seconde Guerre mondiale et son classement en 1986.
La château de nos jours
De rachats en successions, de restaurations abandonnées en cours de route en travaux indélicats, la (très) vaste demeure aux 365 portes et fenêtres va menacer de tomber en ruines jusqu’à l’arrivée d’un nouveau propriétaire, Frédéric Champavère, en 2003. Ce dernier entreprend alors de gigantesques travaux (qui vont s’étaler sur sept ans ! Il faut regarder les reportages consacrés à ce projet, où l’on voit les échafaudages et les grues au-dessus des vieilles pierres…) et finalement sauver ce patrimoine.
Le monument a désormais retrouvé ses couleurs d’origine et son lustre d’antan. Il fallait « lui redonner de l’âme », selon les termes du châtelain actuel, en dépit de son grand nombre de pièces. Comment en faire un lieu avec de l’âme, donc animé, vivant ? En y habitant ! C’est donc dans un château habité que les curieux se pressent. À eux les quatorze salons d’apparat ouverts à la visite durant l’été, les enfilades, les boudoirs meublés, les 200 collections d’objets d’art, la collection temporaire et événementielle… ! Récemment, c’est une collection de robes de haute couture signée Frank Sorbier qui était présentée dans la salle de bal du château. Quelle sera la prochaine ?